Libellules

De Biodivers
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La Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) est un hôte rare des fosses de tourbage dans les marais.
Texte Hansruedi Wildermuth & Association biodivers
Review Daniela Keller, Daniel Küry & Christian Monnerat
Traduction Sandrine Seidel
Publication Avril 2018
Complément Août 2020 (Favoriser les libellules en réactivant les fossés de drainage)
Actualité Juin 2022



Actualité

Juin 2022

Selon la nouvelle Liste rouge des Libellules (OFEV 2021), 36% des 75 espèces évaluées sont considérées comme menacées. Le bilan est donc similaire à celui d’il y a 20 ans. A l’époque, 36% des 72 espèces évaluées étaient également considérées comme menacées.
Près de la moitié des espèces figurant sur la Liste rouge (13) vivent dans les bas-marais et les hauts-marais, des habitats menacés à toutes les altitudes. Dans les autres types d’habitats, la proportion d’espèces menacées est plus faible : sources, petits cours d’eau et fossés (4), rivières et rives de lac avec vagues (6), petits plans d’eau (6). Ces trois types de biotopes abritaient en outre chacun une espèce déjà éteinte en Suisse.
Petite lueur d'espoir : la situation de plusieurs espèces fortement menacées s'est légèrement améliorée grâce aux mesures d'assainissement. En conclusion, les assainissements d’habitats fonctionnent et doivent être mis en oeuvre sur l’ensemble de la surface !

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L’Orthétrum bleuissant (Orthetrum coerulescens) a profité des mesures de revitalisation et de remise en eau de petits fossés dans les bas-marais.
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L’Agrion délicat (Ceriagrion tenellum) a pu être favorisé grâce à la création de plans d’eau peu profonds et chauds, principalement sur la rive sud du lac de Neuchâtel.
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Degré de menace des libellules selon la Liste rouge (2021).

Résumé

On trouve en Suisse 80 espèces de libellules (Odonata en latin). Les œufs et les stades larvaires se développent dans l’eau tandis que les libellules adultes vivent en milieu terrestre, ce qui nécessite des habitats différents connectés entre eux. Les larves de toutes les espèces sont inféodées aux eaux douces. La durée du développement est propre à chaque espèce – de quelques semaines à plusieurs années. La métamorphose qui transforme l’organisme aquatique en un animal terrestre ailé est un moment particulièrement délicat de la vie des libellules ; pendant l’éclosion qui les voit s’extraire de leur exuvie (peau de la dernière mue), elles sont totalement à la merci des perturbations et des prédateurs. Les anisoptères sont de bons voiliers, très mobiles, tandis que les graciles zygoptères (demoiselles) sont beaucoup plus facilement déportés par le vent. Favoriser les Odonates implique de protéger, conserver et valoriser leurs habitats aquatiques – tels que sources, eaux courantes et plans d’eau – ainsi que leurs habitats terrestres. Les premiers doivent en principe être pauvres en nutriments, bien ensoleillés et richement structurés, les seconds doivent présenter une offre en insectes suffisante et des abris pour la maturation et le repos. Les petits plans d’eau nécessitent un entretien régulier pour rester attrayants pour les libellules. Les poissons sont les pires ennemis des libellules. Sur les 80 espèces d’Odonates présentes en Suisse, 29 sont prioritaires au niveau national et 26 disposent de fiches de protection spécifique. La brochure « Protéger et favoriser les libellules » est une référence incontournable pour les odonatologues. On trouve les connaissances de base sur la biologie des libellules dans le livre « Die Libellen Europas » (en allemand).

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Un anisoptère, le Sympétrum du Piémont (Sympetrum pedemontanum, à gauche), et un zygoptère, le Caloptéryx éclatant (Calopteryx splendens, à droite).

Systématique et distribution en Suisse

L’ordre des Odonates (Odonata) compte plus de 6000 espèces au niveau mondial. En Europe – de l’Oural aux Açores – on trouve 140 espèces, dont environ 85 espèces en Europe centrale. On distingue deux sous-ordres : les zygoptères (Zygoptera), parfois appelés demoiselles, et les anisoptères (Anisoptera), parfois appelés libellules au sens strict (nous utilisons dans cet article le terme « libellules » au sens large, pour tous les Odonates). Les 80 espèces présentes en Suisse se répartissent en 4 familles de zygoptères et 5 familles d’anisoptères :
▪ Lestes (Lestidae) 8 espèces
▪ Calopterygidés (Calopterygidae) 2 espèces et 2 sous-espèces ▪ Platycnemididés (Platycnemididae) 1 espèce
▪ Coenagrionidés (Coenagrionidae) 16 espèces
▪ Aeschnidés (Aeshnidae) 13 espèces
▪ Gomphidés (Gomphidae) 7 espèces et 1 sous-espèce ▪ Cordulegastridés (Cordulegastridae) 2 espèces
▪ Corduliidés (Corduliidae) 7 espèces
▪ Libellulidés (Libellulidae) 22 espèces

On constate plusieurs types de distribution des libellules en Suisse :
▪ Espèces montrant une aire de répartition couvrant tout le pays et présentes dans les six régions biogéographiques. Exemple : Aeschne bleue (Aeshna cyanea)
▪ Espèces présentes sur le Plateau et dans le Jura mais absente du versant sud des Alpes et des vallées alpines. Exemples : Leste verdoyant (Lestes virens), Aeschne printanière (Brachytron pratense)
▪ Espèces présentes uniquement au sud des Alpes. Exemples : Cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii), Gomphus à pinces (Onychogomphus forcipatus unguiculatus)
▪ Espèces en limite de leur aire de répartition, avec présence relictuelle ou disparate. Exemples : Néhalennie précieuse (Nehalennia speciosa), Spectre paisible (Boyeria irene)
▪ Espèces à distribution boréo-alpine. Exemples : Aeschne azurée (Aeshna caerulea), Chlorocordulie des Alpes (Somatochlora alpestris)

L’ouvrage « Odonata – les libellules de Suisse » brosse le portrait de toutes les espèces et sous-espèces de notre pays.

La majorité des libellules européennes montrent une vaste répartition. Il n’existe que peu d’espèces endémiques ayant une aire de répartition très réduite, comme c’est le cas de la Cordulie splendide (Macromia splendens) en Europe du sud-ouest ou de la Libellule émeraude bulgare (Somatochlora borisi) en Europe du sud-est. La Suisse ne compte aucune espèce endémique.

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L’Aeschne affine (Aeshna affinis, à gauche) a besoin de plans d’eau temporaires pour se reproduire. La Chlorocordulie des Alpes (Somatochlora alpestris, à droite) est une espèce à distribution boréo-arctique.

Eléments d’écologie pour la pratique

Biologie

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Anax empereur (Anax imperator) dévorant sa proie – une femelle de Sympétrum strié (Sympetrum striolatum).

L’essentiel sur la biologie (y. c. écologie, développement, évolution, systématique, etc.) est décrit dans le chapitre introductif de « Die Libellen Europas » (en allemand). Les zygoptères (Zygoptera) et les anisoptères (Anisoptera) se distinguent par leur anatomie, mais leur cycle de vie et leurs mœurs sont fondamentalement semblables.

Cycle de développement – d’un monde à l’autre

La vie d’une libellule commence avec l’œuf. Selon l’espèce, la larve passe par 8 à 17 stades. La métamorphose, à savoir la transformation en insecte ailé, succède au dernier stade larvaire. Pour l’éclosion (émergence) de l’adulte mature, la larve quitte l’eau et se fixe à un support solide à l’air libre. La phase de maturation, c’est-à-dire la période entre l’éclosion et la maturité sexuelle, emmène la libellule souvent bien loin du plan d’eau ayant abrité sa vie larvaire. Cette phase dure de quelques jours à plusieurs semaines, selon l’espèce. L’animal adulte, sexuellement mature, retourne à proximité de l’eau pour s’accoupler et pondre. La vie des larves est dévolue à la croissance : pour elles, se nourrir est une priorité. Pour les adultes par contre, la reproduction et l’expansion sont au premier plan. Les libellules sont des insectes prédateurs qui capturent tout ce qu’ils peuvent – ce sont des opportunistes alimentaires. Les larves chassent les petits organismes aquatiques en déployant à vitesse fulgurante leur curieux masque labial équipé de pinces. Le vol des imagos nécessite beaucoup d’énergie et les femelles ont besoin de protéines pour le développement des œufs ; les adultes dépendent donc eux aussi d’une alimentation régulière. Ils chassent les moustiques, les mouches, et d’autres insectes volants, ainsi que d’autres libellules.

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Cycle de développement

La vie des libellules se déroule dans deux mondes successifs : Le milieu aquatique est le théâtre du développement des œufs et des larves, il est aussi un territoire de chasse, et sert enfin d’abri contre les prédateurs. Le milieu terrestre est utilisé pour la maturation, comme lieu de repos, et comme territoire de chasse par les adultes, et pour quelques rares espèces comme site d’hivernage, mais de façon générale il est peu spécifique. L’éclosion, la rencontre des deux sexes, l’accouplement et la ponte ont souvent lieu dans la zone de transition entre le milieu aquatique et le milieu terrestre. Cette zone de transition, ainsi que le milieu aquatique, sont spécifiques pour de nombreuses espèces de libellules, à savoir que ces dernières ne se développent que dans certains types de plans d’eau ou cours d’eau, p. ex. les ruisselets et suintements de source ou les gouilles des marais. Selon les espèces, les Odonates passent l’hiver sous forme d’œufs ou de larves. Il n’y a que deux espèces indigènes qui hivernent au stade adulte (Sympecma spp.).
Œuf : Le stade de l’œuf dure de quelques semaines à plusieurs mois. Chez quelques espèces, ce stade survit au sec jusqu’à l’éclosion des larves. Les femelles pondent de différentes manières : soit elles insèrent les œufs dans les plantes aquatiques ou riveraines (endophytique), soit elles les dispersent à la surface de l’eau ou sur des filaments d’algues, ou alors elles les déposent sur le sol sec (exophytique). Les Cordulegastridés déposent leurs œufs dans la boue ou le sable humide des petits cours d’eau, en volant bruyamment. Une femelle libellule produit entre quelques centaines et quelques milliers d’œufs ; ces derniers ne sont fécondés qu’au moment de la ponte.
Larve : Le stade larvaire est la plus longue étape d’une vie de libellule, à l’exception notamment des espèces du genre Sympecma. Selon les espèces, il dure entre quelques semaines et cinq ou six ans. Les espèces qui supportent un assèchement temporaire du milieu aquatique sont peu nombreuses (p. ex. Libellule déprimée Libellula depressa). Les délicates larves de zygoptères sont particulièrement sensibles à l’assèchement de leur plan d’eau.

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Larve d’anisoptère déployant son masque ; en haut : vue latérale ; en bas : vue de dessous. 1 masque replié, 2 masque à moitié déployé, 3 masque complètement déployé.
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Larve de zygoptère (Caloptéryx vierge, Calopteryx virgo, à gauche). Larve d’anisoptère (Spectre paisible, Boyeria irene, à droite).
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Eclosion d’un anisoptère (Leucorrhine à gros thorax, Leucorrhinia pectoralis).
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Exuvie d’un anisoptère (Aeschne des joncs, Aeshna juncea, à gauche) et d’un zygoptère (Leste fiancé, Lestes sponsa, à droite). On distingue le masque replié sous la tête.

Imago : L’éclosion de la libellule adulte est un moment très délicat de sa vie, car elle est alors complètement à la merci des prédateurs et des caprices météorologiques. L’émergence de l’adulte hors de l’exuvie (la peau du dernier stade larvaire) dure, selon les espèces, entre une demi-heure et plusieurs heures, et se déroule à l’interface entre l’eau et la terre. Les animaux adultes, appelés imagos, ont besoin d’habitats terrestres appropriés pour chasser, se reposer et achever leur maturation. Ils se retrouvent au bord de l’eau pour l’accouplement et la ponte.

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Endophytische (Hufeisen-Azurjungfer, Coenagrion puella, links) und exophytische (Spitzenfleck, Libellula fulva, rechts) Eiablage.

Les espèces qui accomplissent leur cycle en une année sont appelées univoltines, celles qui le font sur deux ans semivoltines et celles qui ont un cycle encore plus long partivoltines. Les espèces qui produisent deux générations par an sont dites bivoltines. On distingue les espèces printanières des espèces estivales en fonction de la période d’éclosion : de fin avril à mai pour les premières (période d’éclosion courte), de juin à mi-août pour les secondes (période d’éclosion étendue). Les paramètres biologiques de chaque espèce sont rassemblés dans la Fauna Indicativa. Pour la protection et la promotion des espèces, il est important de connaître les dates de leur période larvaire, par exemple, et de savoir si leurs œufs résistent à la sécheresse. Les diagrammes des périodes de vol (en allemand) de toutes les espèces ont été créés à partir des données du CSCF. Elles ont été actualisées à partir des données du CSCF. Les textes se basent sur « Odonata – les libellules de Suisse » et sur « Libellen Europas ».

Les exuvies jouent un rôle particulier – et extrêmement important – en faunistique et pour les suivis. Ces mues abandonnées après l’éclosion des adultes peuvent être déterminées jusqu’à l’espèce et leur présence constitue une preuve indiscutable qu’une libellule a achevé son développement dans le site en question.

Ecologie

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L’écrevisse calicot (Orconectes immunis) (en allemand), introduite et invasive, qui se reproduit et se disperse rapidement, trouble l’eau et peut complètement éliminer la microfaune aquatique d’un étang ou d’une mare – et également des marais. Elle n’est pas encore présente en Suisse mais cause déjà des problèmes dans le fossé rhénan.

Des critères écologiques permettent de distinguer deux groupes d’Odonates : les espèces euryèces et les espèces sténoèces. Les premières peuvent se développer dans des plans d’eau variés (p. ex. Agrion jouvencelle Coenagrion puella), au contraire des secondes qui sont inféodées à un seul type de milieu aquatique (p. ex. Agrion de Mercure Coenagrion mercuriale). Les espèces pionnières (à stratégie r) sont extrêmement mobiles, colonisent rapidement les plans d’eau nouveaux ou récemment aménagés et produisent de nombreux descendants (p. ex. Libellule déprimée Libellula depressa). Elles sont supplantées plus tard par d’autres espèces. Les espèces à stratégie K s’installent dès lors qu’un plan d’eau est plus « mature », c’est-à-dire lorsque la végétation a poursuivi son développement. Ces espèces ont souvent des populations plus durables et produisent proportionnellement peu de descendants (p. ex. Libellule fauve Libellula fulva). Certaines espèces d’anisoptères patrouillent en ne se posant quasiment jamais, d’autres chassent à l’affût et surveillent leur territoire depuis un perchoir. Les libellules – en particulier les anisoptères – sont capables de réguler activement leur température. Elles augmentent la température de leur corps en restant posées au soleil ou en faisant trembler leurs muscles. Par forte chaleur, elles volent dans des secteurs ombragés ou restent posées à l’ombre, complètement inactives. Les plus grands ennemis des larves sont les poissons, et rarement certains oiseaux d’eau, ainsi que les larves de libellules plus grandes. Les libellules en train d’émerger ou juste écloses sont avant tout les victimes de passereaux. De même, les zygoptères adultes sont des proies convoitées par les oiseaux, tandis que les anisoptères sont trop rapides et trop agiles pour la plupart d’entre eux. Les araignées, les fourmis et les grenouilles comptent aussi au rang des prédateurs. Les écrevisses introduites peuvent représenter une sérieuse menace pour les libellules. L’article «Invasive Krebse und ihre Wirkungen auf Libellen» (Ott, 2018 ; en allemand) montre l’influence des écrevisses invasives sur la faune des Odonates.

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L’Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale, à gauche) est une espèce sténoèce tandis que la Libellule déprimée (Libellula depressa, à droite) a typiquement adopté une stratégie r. D

Coexistence avec les poissons

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Etang à fond argileux abritant la progéniture de poissons introduits (Gardon Rutilus rutilus), survolé par un mâle d’Anax empereur (Anax imperator). Les larves de libellules n’ont aucune chance de parvenir à maturité dans ces conditions.

Les libellules ne peuvent coexister avec les poissons que dans les plans d’eau relativement grands et bien végétalisés – les étangs avec une végétation aquatique dense et plusieurs espèces de poissons en faible densité étant les plus favorables. Lorsque des poissons – en particulier des Cyprinidés – sont introduits dans des petits plans d’eau, ils s’y reproduisent rapidement et dévorent la plus grande partie des jeunes stades des amphibiens et la majorité de la faune invertébrée ; la biocénose s’appauvrit. Dans les étangs abritant des populations denses, les poissons sont tellement affamés qu’ils consomment tout ce qui passe à leur portée. Les écrevisses invasives ont le même effet dévastateur (Verweis auf flusskrebse.ch). Les poissons fouisseurs (p. ex. la Carpe commune Cyprinus carpio) provoquent de la turbidité dans le milieu et altèrent ainsi la végétation aquatique, les Carpes de roseau (Ctenopharyngodon idella) l’endommagent directement en consommant les plantes aquatiques. Les larves des espèces d’Odonates qui cohabitent avec les poissons ont un abdomen avec de longs dards et des épines dorsales. Les solides épines dorsales de la Leucorrhine à large queue (Leucorrhinia caudalis) promettent quelques ennuis aux poissons qui les avaleraient. La Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) ne dispose que de faibles épines dorsales et son activité est diurne, ce qui en fait une proie facile pour les poissons. Elle n’est tout simplement pas adaptée à une coexistence avec les poissons dans les petits plans d’eau des tourbières. Une étude de longue durée sur neuf petits étangs marécageux du Plateau (Wildermuth, 2011 ; en allemand) a montré que le nombre d’espèces de libellules et leur succès de développement – mesurés par le nombre d’exuvies – étaient significativement plus faibles dans les plans d’eau hébergeant des vairons et des poissons rouges que dans des plans d’eau exempts de poissons.

La Fauna Indicativa présente des données sur la coexistence dans la colonne « Fische » (poissons).

Mobilité et migration

Les anisoptères sont d’excellents voiliers et peuvent parcourir des grandes distances lors de migrations semblables à celles des oiseaux, ou en se dispersant. Il existe cependant aussi des espèces plutôt sédentaires, comme l’Aeschne isocèle (Aeshna isoceles) ; d’autres espèces au contraire – l’Aeschne mixte (Aeshna mixta) par exemple – se dispersent loin à la ronde. Les zygoptères quant à eux sont beaucoup moins mobiles, mais sont facilement entraînés par le vent. Certaines espèces sont en permanence à la recherche d’habitats adéquats, comme c’est le cas de l’Ischnure naine (Ischnura pumilio) et du Leste barbare (Lestes barbarus), tandis que d’autres restent généralement à proximité des plans d’eau de reproduction, telles le Cériagrion délicat (Ceriagrion tenellum) et la Néhalennie précieuse (Nehalennia speciosa). Les Odonates adultes peuvent avoir un grand rayon d’action et se déplacer plusieurs fois par jour entre leurs habitats de repos, de chasse et de reproduction ; les habitats où les adultes des deux sexes se rencontrent et s’accouplent peuvent se trouver loin des sites de ponte et de développement larvaire. Le livre « Die Libellen Europas » (en allemand) contient des informations sur la mobilité et sur les migrations de nombreuses espèces.

Les Odonates en migration volent soit à proximité du sol (jusque vers 4 m), soit beaucoup plus haut (souvent à plus de 15 m du sol). Dans le premier cas, ils utilisent essentiellement les éléments linéaires du paysage : lisières, haies, talus, bords des chemins et des champs, bandes de roseaux, routes et cours d’eau. L’Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale) par exemple, se disperse principalement le long de petits ruisseaux et de fossés humides, sur de courtes distances. Les dispersions sur de plus grandes distances sont rares, et dans ce cas il traverse aussi les champs et prairies de grande étendue.

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L’Ischnure naine (Ischnura pumilio) est un zygoptère mobile (à gauche), au contraire du Cériagrion délicat (Ceriagrion tenellum), zygoptère plutôt sédentaire (à droite).

Fluctuations

Les populations d’Odonates sont soumises à de fortes variations naturelles ou anthropogènes, qui ont pour origine des facteurs abiotiques ou biotiques, exogènes ou endogènes. La plupart du temps, il s’agit d’une conjonction de plusieurs facteurs. Des fluctuations d’un facteur 5 à 10 d’une année à l’autre n’ont rien d’exceptionnel. Le coauteur de cet article, H. Wildermuth, suit l’évolution d’une population de Leucorrhines à gros thorax (L. pectoralis) d’un marais de l’Oberland zurichois depuis plus de 40 ans.

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Emergences menées à terme de la Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) dans deux fosses de tourbage du paysage de drumlins de l’Oberland zurichois (données non publiées de H. Wildermuth).
Agrandir le graphique de gauche Agrandir le graphique de droite

Les exuvies ont été récoltées et dénombrées chaque année sur six petits plans d’eau bien visibles, pendant la période d’émergence. Le nombre d’émergences réussies a énormément fluctué, tant d’une année à l’autre pour un même plan d’eau qu’entre les plans d’eau lors d’une même année.

Habitats

Milieux aquatiques

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Suintement de source dans le Jura (canton de Schaffhouse, Randen).

Les Odonates sont indéfectiblement liés aux milieux aquatiques dans lesquels les larves se développent. Afin que celles-ci puissent se développer jusqu’à l’éclosion, il faut que soient présentes les conditions structurales adéquates, spécifiques à chaque espèce – et qu’on connaît relativement bien pour de nombreuses espèces. On distingue fondamentalement les habitats naturels (habitats primaires) de ceux qui sont conditionnés par une activité humaine (habitats secondaires). Les milieux aquatiques naturels sont les cours d’eau, zones alluviales et rives lacustres intacts, ainsi que les hauts-marais avec gouilles, cuvettes et rigoles. Les milieux aquatiques secondaires – créés par l’être humain ou modifiés par leur exploitation – comprennent, outre les ruisseaux, tronçons de rivières et rives lacustres bétonnés : les fossés de drainages et d’irrigation, les canaux, les fosses de tourbage, les lacs de retenue, les étangs de gravières, les étangs de jardin, et ceux créés à des fins de protection de la nature. Les ruisseaux et rivières froids à cours rapide de moyenne et haute montagne, les étangs dépourvus de végétation, les lacs alpins et les suintements fontinaux au-dessus de la limite naturelle des arbres ne conviennent pas aux Odonates. Cela ne signifie pas pour autant que ces habitats sont inintéressants pour d’autres groupes d’espèces et qu’ils ne méritent d’être protégés! Les sources, les cours d’eau et les eaux stagnantes sont des milieux aquatiques de premier ordre. Il y a différentes manières de les classer et de les définir. Dans une approche pratique de la protection de la nature, le document « Protéger et favoriser les libellules » décrit huit types d’habitats, la Liste Rouge quant à elle en distingue quatre, et la Fauna Indicativa suit une subdivision plus fine.

Les milieux aquatiques variés occupés par les Odonates se distinguent par leurs facteurs abiotiques et biotiques. Les facteurs abiotiques sont :
▪ Les dimensions : taille, profondeurs, surface, périmètre, pente des berges
▪ Les propriétés du sol : rocher, cailloux, gravier, sable, limon, débris végétaux, tourbe
▪ L’approvisionnement en eau : permanent ou temporaire, fluctuations du débit et du niveau
▪ Les conditions de température, variations journalières et saisonnières importantes ou faibles
▪ Les propriétés du courant, y compris à petite échelle
▪ La chimie de l’eau : La plupart des espèces préfèrent des milieux aquatiques mésotrophes, acides à légèrement basiques, quelques espèces – mais rares – étant adaptées à des conditions plutôt oligotrophes.

Les facteurs biotiques sont :
▪ La végétation : plantes sur les rives (ligneux, roseaux, etc.)
▪ Les plantes aquatiques aux différentes profondeurs
▪ La disponibilité des proies
▪ Les prédateurs ; surtout poissons et écrevisses

Exigences écologiques principales
Dans les cours d’eau, les larves de libellules ne peuvent occuper que les endroits à faible courant ; c’est là que se déposent sable, limon et débris végétaux, ou que se trouvent les plantes aquatiques et les radicelles des arbres poussant sur les berges. Pour que les libellules colonisent durablement les ruisseaux et les fossés, ils doivent être alimentés en eau toute l’année. Les larves de libellules ne peuvent pas se développer dans les cours d’eau toujours froids ni dans les rivières à courant rapide avec un substrat rocheux ou en éboulis, sans cesse remanié. Les ruisseaux dans les forêts fermées et le long des lisières ombragées manquent de soleil pour accueillir des libellules. La diversité structurale (notamment les propriétés du courant) et la qualité de l’eau (notamment la teneur en oxygène) déterminent au premier chef si un cours d’eau convient Odonates. Les autres paramètres importants sont l’ensoleillement, une surface d’eau offrant une vue dégagée, la température de l’eau et des talus richement structurés.
Les libellules n’occupent que la zone de bordure des lacs. La configuration des rives et la végétation déterminent combien d’espèces d’Odonates, et lesquelles, peuvent se développer. Les facteurs décisifs sont la topographie des rives (longueur, pente, relief), le substrat (rocher, éboulis, gravier, sable, boue) la végétation (prairies aquatiques, ceinture de plantes à feuilles flottantes ; ceintures de roseaux et de laîches, hautes ou basses, denses ou lâches) et l’alimentation en eau (constante, réglée, avec changement périodique). Les lacs de barrage et de montagne dépourvus de végétation ne permettent pas le développement des Odonates.
Les larves de libellules peuvent coloniser toutes les zones des petits plans d’eau. Elles privilégient des types de plans d’eau différents selon les exigences écologiques propres à leur espèce. Les paramètres importants communs à toutes les espèces sont la teneur en nutriments, l’ensoleillement, la richesse structurale et les micro-habitats (p. ex. substrat, racines, plantes aquatiques), la diversité morphologique (p. ex. berge plate, long périmètre, profondeurs différentes) ainsi que les espèces concurrentes et prédatrices. Plus un plan d’eau est grand, plus nombreuses sont les espèces d’Odonates qu’il peut accueillir. Mais ce nombre dépend toutefois beaucoup de la configuration structurale et végétale de l’étang – et donc aussi du stade de succession. Que cela ne dissuade cependant pas de créer et entretenir des petits plans d’eau, car beaucoup d’espèces n’ont pas besoin de milieux aquatiques de grande taille pour se reproduire avec succès. En outre, les petits plans d’eau – même les étangs de jardins et de terrains de golf – densifient le réseau de biotopes, et la création d’un nouvel habitat aquatique favorise de nombreuses autres espèces. Des informations plus détaillées concernant les habitats sont présentées dans « Protéger et favoriser les libellules ». Les exigences de chaque espèce sont réunies dans « Die Libellen Europas » (en allemand). La Fauna Indicativa présente des informations détaillées sur les exigences abiotiques essentielles des libellules, informations qui peuvent servir à évaluer un habitat.

Exemples de représentants typiques de différents habitats

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Ruisseaux et fossés en contexte de prairies : Caloptéryx vierge Calopteryx virgo, femelle (à gauche) ; Ruisseaux de source : Cordulégastre bidenté (Cordulegaster bidentata), mâle (à droite).
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Rivières : Onychogomphe à pinces (Gomphe à pinces) Onychogomphus forcipatus forcipatus, mâle (à gauche) ; Lacs et rivages lacustres : Spectre paisible (Boyeria irene), mâle (à droite).
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Petits plans d’eau : Sympétrum strié (Sympetrum striolatum), mâle (à gauche) ; Plans d’eau de gravières et glaisières : Orthétrum brun (Orthetrum brunneum), mâle (à droite).
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Eaux marécageuses : Chlorocordulie à taches jaunes (Somatochlora flavomaculata), mâle (à gauche) ; Plans d’eau subalpins et alpins : Leucorrhine douteuse (Leucorrhinia dubia), mâle (à droite).

Habitats terrestres

Les habitats terrestres se subdivisent selon leur fonction en sites de maturation, de chasse et de repos. Le même biotope remplit souvent les trois fonctions. Les lisières et clairières proches de l’état naturel, les haies et bosquets, les pâturages extensifs, les prairies humides et les prairies sèches, les jachères, les bords de chemin, les ourlets herbeux et les talus riches en espèces conviennent bien aux Odonates, de même que les gravières et carrières. Ces milieux terrestres doivent disposer d’une offre alimentaire en insectes suffisante. Ils peuvent se situer à plusieurs centaines de mètres ou quelques kilomètres du milieu aquatique. Les Brunettes (Sympecma spp.) ont en plus besoin d’habitats hivernaux adéquats, sous forme de jachères, de prés à litière, de lisières ou de clairières avec de l’herbe laissée sur pied. L’habitat terrestre idéal permettant aux libellules des cours d’eau de chasser, se reposer et achever leur maturation, est composé d’une mosaïque de surfaces extensives bien ensoleillées et abritées du vent (p. ex. prés à litière) entre des forêts claires. Pour être complète, la protection des libellules doit comprendre la mise en réseau des habitats terrestres et aquatiques. Des observations systématiques sur le Plateau ont montré que huit prairies humides exploitées de manière extensive ont été utilisées par 80% de la faune des Odonates de la région pour leur maturation, la chasse, la thermorégulation et, dans une moindre mesure, l’accouplement. On a pu montrer que quelques espèces ont survolé des forêts fermées et de larges routes. C’est la qualité écologique des habitats qui détermine leur attractivité. Les prairies en forêt exploitées de manière intensive sont fréquentées par beaucoup moins d’espèces et en beaucoup plus petit nombre d’individus que les clairières utilisées de manière extensive (Wildermuth, 2010; en allemand). Des observations semblables ont été faites dans les Alpes (Wildermuth, 2012 ; en allemand).

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Exemples d’habitats typiques : lisière forestière richement structurée, fortement imbriquée avec des prairies marécageuses ; forêt marécageuse claire ; prairies humides.

Micro-habitats

Les micro-habitats des milieux aquatiques, avec leur structure caractéristique spécifique constituent les habitats des larves. La végétation aquatique, les tapis de mousse, les radicelles et les petites cavités offrent un couvert aux larves, que ce soit pour guetter leurs proies ou s’abriter des prédateurs, et ils constituent de plus un substrat pour la ponte. Certaines espèces dépendent d’un type particulier de substrat sous l’eau : La Leucorrhine douteuse (Leucorrhinia dubia) par exemple a besoin d’un fond tourbeux et de sphaignes, le Cordulégastre bidenté (Cordulegaster bidentata) de petites plaques de travertin (tuf calcaire) à grain fin, de boue, et de feuilles mortes, l’Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale) d’un tapis de tiges, feuilles et racines des plantes aquatiques. Les éléments structuraux tels que le bois mort, les pierres et les réseaux racinaires diversifient le milieu aquatique, non seulement pour les libellules, mais pour beaucoup d’autres espèces animales – y compris les proies des larves d’Odonates. L’eau doit être transparente pour permettre le développement d’une végétation riche dans un plan d’eau – en particulier s’il est profond. Une végétation riveraine discontinue et richement structurée offre perchoirs, sites d’accouplement et de ponte, et abris pour l’éclosion. Les ligneux structurent les milieux aquatiques. Leur densité devrait cependant rester assez faible pour les libellules qui ont besoin de chaleur et de lumière. Ils peuvent même être totalement absents des petits milieux aquatiques. Sur les plans d’eau relativement grands, quelques arbres ou buissons suffisent. Les cours d’eau doivent aussi présenter des secteurs bien ensoleillés. Une ombre continue sur les berges forme une barrière pour les libellules adultes en déplacement, qui utilisent préférentiellement les cours d’eau comme couloirs de migration7. Lorsqu’on définit le degré de boisement souhaité, il faut aussi prendre en considération d’autres espèces – oiseaux, reptiles et micromammifères. Le réchauffement trop important d’un ruisseau dans lequel est encore présent la rare Mulette épaisse (Unio crassus) n’est par exemple pas souhaitable. Il faudrait dans ce cas viser une densité de ligneux plus élevée que la densité idéale pour les Odonates.

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Du bois mort émergeant de l’eau offre aux libellules une structure pouvant servir de perchoir et de substrat pour la ponte et l’éclosion, ainsi qu’une structure pour les larves.

Autres facteurs significatifs

Influence des conditions météorologiques

Les conditions météorologiques exercent une grande influence sur les populations de libellules. Une longue période de sécheresse provoque l’assèchement des petits plans d’eau, ce qui peut faire périr toutes les larves d’Odonates. Du mauvais temps continu pendant la période principale des émergences, des chutes de neige en été dans les Alpes, ou des gelées tardives peuvent provoquer des pertes importantes parmi les adultes. Selon les conditions météorologiques, les éclosions dans une population locale peuvent avoir lieu de façon prématurée, retardée, échelonnée ou resserrée dans le temps. Les facteurs abiotiques les plus importants sont, pour les larves, la température de l’eau, pour les adultes la température de l’air et l’ensoleillement.

Influence du réchauffement climatique

L’augmentation de la température au cours des dernières décennies raccourcit la durée des stades larvaires. Dans la vallée de la Reuss, on a pu établir que les larves d’espèces habituellement semi- et partivoltines n’hivernaient plus. Les libellules éclosent plus tôt et les périodes de vol sont avancées. Les stades larvaires durent moins longtemps et on assiste de plus en plus souvent à la formation de deux générations. L’Aeschne des joncs (Aeshna juncea) et le Sympétrum du Piémont (Sympetrum pedemontanum) qui occupent en Suisse surtout les régions relativement froides (Alpes, Préalpes, marais), se retirent de régions plus tempérées, la Chlorocordulie alpestre (Somatochlora alpestris) monte plus haut en montagne mais se heurte à un plafond car les habitats adéquats pour le développement manquent à haute altitude. Les espèces méditerranéennes et thermophiles sont en augmentation dans nos contrées.

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Das Kleine Granatauge (Erythromma viridulum), die Feuerlibelle (Crocothemis erythraea) und die Kleine Königslibelle (Anax parthenope) haben von der Erwärmung profitiert. Sie haben sich bei uns in den letzten 25 Jahren ausgebreitet.

Fauna Indicativa

La Fauna Indicativa (en allemand) présente de nombreux paramètres biologiques et écologiques pour chaque espèce de libellules et pour leurs larves – notamment fiches d’identité des marais, habitats et catégories de biotopes dans lesquels chaque espèce est présente, lien des larves avec leur biotope, zones et substrats de ponte, coexistence avec les poissons, phénologie, état trophique des milieux aquatiques, approvisionnement en eau, tolérance à la sécheresse, substrat.

Littérature utilisée pour ce chapitre

▪ Die Libellen Europas (Wildermuth, H. & A. Martens, 2018): Le chapitre d’introduction présente l’essentiel sur l’anatomie, la biologie et l’écologie des Odonates et de leurs larves avec de superbes planches illustrées (en allemand).
▪ Die Libellen Baden-Württembergs, Band 1 (Sternberg, K. & R. Buchwald (Hrsg.), 1999): Informations détaillées sur la biologie et l’écologie (en allemand).
Protéger et favoriser les libellules (Wildermuth, H. & D. Küry, 2009)
Pour d’autre références bibliographiques, voir Littérature recommandée

Promotion

Introduction

On ne peut promouvoir les Odonates qu’en conservant, valorisant et recréant leurs habitats. C’est particulièrement vrai pour les espèces spécialisées7. Le mode de vie amphibie des libellules exige de protéger et promouvoir tant leur habitat terrestre que leur habitat aquatique. La brochure « Protéger et favoriser les libellules » constitue un excellent document de base. Il y sera fait référence à plusieurs reprises dans ce qui suit (commander la brochure).

Mesures (générales)

Petits plans d’eau

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Régénération manuelle d’un milieu tourbeux ; élimination par une classe de la végétation provoquant l’atterrissement. Le matériel déposé sur les bords du plan d’eau sera éliminé 2 ou 3 jours plus tard.

La brochure « Protéger et favoriser les libellules » présente en détail comment protéger et promouvoir différents types de plans d’eau (mares, gouilles, étangs, plans d’eau des gravières et glaisières, des marais et des régions subalpines/alpines), ainsi que les Odonates qui y vivent. Par conséquent, le présent chapitre ne traitera que l’essentiel du sujet de façon sommaire, et présentera les mesures de promotion avec des exemples. Les influences extérieures doivent être évitées. Engrais et pesticides doivent être bannis à l’intérieur d’une zone-tampon la plus large possible. Il en va de même pour tous les cours d’eau qui alimentent les plans d’eau. Si on ne peut éviter la pâture des rives, elle doit être limitée dans le temps et ménager le milieu. Les milieux aquatiques abritant le développement de l’Aeschne azurée (Aeshna caerulea), de la Chlorocordulie arctique (Somatochlora arctica) de la Leucorrhine douteuse (Leucorrhinia dubia) ou de la Chlorocordulie alpestre (Somatochlora alpestris) doivent être clôturés lorsque les alpages sont exploités. L’apport de feuilles accélère l’atterrissement dans les milieux aquatiques de basse altitude. Il faut donc réduire le boisement des berges lorsque c’est compatible avec les objectifs (prioritaires). Lors de la création de nouveaux milieux aquatiques, il faut surtout veiller à concevoir une rive longue, des profondeurs variées, et des berges plates au moins par endroits. L’aménagement des rives doit permettre un entretien économique avec des machines. La brochure de Pro Natura « Réaliser des plans d'eau temporaires pour les amphibiens menacés » donne des instructions pour aménager des milieux aquatiques qui conviennent à ce groupe. Ce type de milieu permet aussi de promouvoir des espèces d’Odonates spécialisées, comme l’Ischnure naine (Ischnura pumilio) ou le Leste dryade (Lestes dryas). Les plans d’eau sont soumis à une succession écologique, c’est-à-dire qu’une série de communautés végétales s’y développent à tour de rôle dans un ordre bien précis. Au cours de ce processus, les berges s’embuissonnent, le plan d’eau est envahi par la végétation et finit tôt ou tard par s’atterrir. La disparition de la dynamique naturelle des cours d’eau en Suisse empêche quasiment toute apparition de nouveaux plans d’eau ; ceux qui existent doivent donc être régulièrement entretenus. Cet entretien doit avoir lieu en automne ou en hiver et doit être défini en fonction des objectifs fixés pour l’habitat. Les mesures d’entretien suivantes sont souvent nécessaires :
▪ Tailler ou éliminer la végétation ligneuse riveraine
▪ Faucher la végétation des berges par secteurs, à savoir ne jamais entretenir toute la berge la même année
▪ Curer le plan d’eau ou nettoyer à la main ; des interventions de plus grande envergure sont nécessaires si le milieu est fortement atterri ou si on veut permettre à des espèces pionnières de coloniser des plans d’eau de carrières ou gravières.

Les plans d’eau primaires – en particulier ceux de grande taille – n’ont pas besoin d’entretien, à moins qu’ils soient altérés par les activités humaines, par exemple par le rabattement de la nappe sous-terraine, l’apport d’engrais ou le bétonnage des rives.


Modèle d’entretien
Dans le canton d’Argovie, la promotion des libellules a permis d’acquérir une grande expérience dans l’entretien des plans d’eau. La succession se déroule plus ou moins vite selon les substrats. En fauchant, en particulier au printemps, on peut la ralentir. Il faut déterminer au cas par cas les actions adéquates.
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Succession sur les plans d’eau nouvellement créés convenant aux espèces pionnières d’Odonates.
Gewässergrund = Substrat; 1. Jahr = 1ère année /etc. ; Humus/Torf = tourbe ; Lehm = argile ; Sand/Kies = sable / gravier ; Pegel schwankend = Niveau variable ; geringer Bewuchs (< 25% Deckung), für Pionierlibellen optimal = Faible recouvrement de la végétation (< 25%) Optimal pour les libellules pionnières ; mässiger Bewuchs (25-50% Deckung), für Pionierlibellen supoptimal = Recouvrement de la végétation modéré (25-50%), Suboptimal pour les libellules pionnières ; starker Bewuchs (>50% Deckung), für Pionierlibellen ungeeignet = Recouvrement de la végétation élevé (> 50%), Inadapté aux libellules pionnières

Le modèle de rotation a été développé sur la base des expériences dans les marais.

Les modèles d’entretien s’appliquent également à d’autres types de plans d’eau.


L’ordonnance sur la protection des eaux (art. 41b) exige qu’un espace réservé aux eaux d’au moins 15 m depuis le rivage soit délimité autour des plans d’eau.

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Représentation schématique de l’espace réservé aux eaux autour d’un lac, d’un étang ou d’une mare. Les engrais et les produits phytosanitaires notamment sont interdits à l’intérieur des 15 m.
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Milieu aquatique primaire (œil de haut-marais) dans les Alpes, et milieu aquatique secondaire (« biotope » de protection de la nature) – déjà fortement colonisé par la végétation – sur le Plateau.

Cours d’eau

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Tronçon de rivière proche de l’état naturel, habitat des Odonates des cours d’eau.

Les mesures décrites dans l’article sur les cours d’eau (renaturation, revitalisation et remise à ciel ouvert) favorisent la présence et la dispersion des Odonates, ainsi que la mise en réseau des populations, dans les fossés, ruisseaux et rivières. (interne Links auf Fliessgewässer-Artikel). Mesures d’entretien générales :
▪ Fauche des berges : faucher les talus une à deux fois par an et exporter le matériel. Laisser sur pied environ un tiers de la végétation. Adapter le moment de la coupe à la végétation et aux espèces présentes : premier passage en général dès mi-juin ou début juillet. Employer des outils manuels ou une faucheuse à barre de coupe ; pas de faucheuse à aspiration ni de faucheuse à fléaux (épareuse)
▪ Taille régulière des ligneux pendant l’hiver. Eclaircir sérieusement les tronçons qui sont boisés sans interruption. Tenir compte des exigences des autres espèces cibles.
▪ Echelonnement spatial et temporel du nettoyage du lit et du désherbage. Limiter l’entretien à au maximum 1/3 ou 50 mètres de la longueur du cours d’eau à la fois. Entreposer le matériel éliminé au bord de l’eau pendant 2-3 jours pour permettre aux animaux de retourner à l’eau. Puis évacuer ce matériel. A réaliser en automne ou au début de l’hiver.
▪ Combattre les néophytes

Des informations détaillées sur l’entretien des cours d’eau sont disponibles dans la brochure « Protéger et favoriser les libellules » (p. 20 et suiv.).
Il convient de donner suffisamment d’espace en largeur au cours d’eau lors d’une revitalisation, et de créer une grande diversité structurale. Prendre comme référence les cours d’eau naturels. Planter un nombre restreint de ligneux, et si possible sur la rive sud du cours d’eau.


Favoriser les libellules en réactivant les fossés de drainage
Un bas-marais de 1,5 hectare, qui était à l’époque envahi par la végétation, a été débroussaillé en 1981/82 et rendu à son état original de pré à litière par la réactivation de son système de fossés de 370 m de long. Afin de retarder l’asséchement des fossés pendant les périodes d’été chaudes et sèches, des barrages réglables ont été installés. Les fossés ont été entretenus selon les besoins, de manière échelonnée dans le temps et dans l’espace. Les contrôles effectués systématiquement chaque année de 2006 à 2009 dans les fossés ont permis de constater la présence de 26 espèces de libellules en tout, dont 11 présentes pendant tout leur cycle de reproduction. L’accent a été mis sur l’Orthétrum bleuissant (Orthetrum coerulescens). Jusqu’à près de 150 mâles territoriaux étaient présents en même temps sur les fossés. Des preuves de développement réussi ont été constatées chaque année. Grâce aux retenues d’eau, les fossés ne se sont pas entièrement asséchés, même pendant les étés faibles en précipitations. Dans les cas extrêmes, les larves ont pu survivre dans les couches humides de vase tourbeuse.

Les informations utiles pour la pratique sur la construction de barrages réglables seront abordées dans un futur article sur les marais.

Rapport à télécharger (en allemand)


Rives lacustres

Les lacs et les milieux terrestres attenants sont des écosystèmes complexes. Les mesures de protection et de promotion de la biodiversité doivent par conséquent être considérées dans un contexte global. Toutefois, des mesures simples permettent déjà d’offrir une aide efficace aux libellules – par exemple l’entretien adapté et différencié des zones riveraines.
La création de zones riveraines naturelles et richement structurées et la conservation des variations naturelles du niveau de l’eau sont des exemples de mesures générales de promotion des libellules au bord des lacs. L’entretien régulier de la végétation terrestre et la protection de la végétation riveraine de l’érosion et des débris flottants sont des mesures spécifiques. La zone d’atterrissement naturelle ne nécessite pas d’autre entretien.
De nombreuses rives lacustres sont aménagées en dur. Il y a donc un grand potentiel pour rétablir l’état d’origine, constitué de berges plates à morphologie variée. Les actions requises à cet effet sont prescrites dans la loi sur la protection des eaux.


Loi sur la protection des eaux
L’adaptation de la loi sur la protection des eaux (LEaux) en 2011 a introduit l’obligation pour les cantons d’élaborer une planification stratégique et de revitaliser les milieux aquatiques, et met des moyens fédéraux à disposition pour ce faire. Le délai pour les lacs court jusqu’à fin 2022 et les travaux pour s’y conformer doivent de ce fait être renforcés. Les connaissances sur la situation écomorphologique des eaux sont citées comme une base de planification importante par l’ordonnance sur la protection des eaux.

Depuis 2016, on dispose de l’aide à l’exécution de la Confédération « Méthodes d’analyse et d’appréciation des lacs en Suisse » pour les relevés et l’analyse de l’écomorphologie des rives lacustres. Ce document présente la première méthode dans le cadre du « Système d’analyse et d’appréciation des lacs en Suisse » publié en 2013.


Il existe quelques exemples de revalorisation des rives lacustres.
▪ La brochure «  Valoriser les cours d’eau et les lacs – Pour l’être humain et pour la nature » (OFEV, 2017) présente la revalorisation des rives du lac de Morat.
▪ Pour le lac de Zurich, il existe « Zürichsee 2050 » (en allemand). L’aménagement, l’utilisation et l’accessibilité à long terme de la zone riveraine est un élément central du modèle « Zürichsee 2050 » : Le modèle montre où et comment il est possible de valoriser et créer à moyen et long terme des aires de détente pour le public et des espaces naturels pour la faune et la flore au bord du lac de Zurich. Pour faciliter la séparation spatiale, le modèle décrit des secteurs prioritaires à attribuer aux loisirs, à la valorisation de la végétation riveraine, et à la valorisation de la zone de faible profondeur.

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Rives lacustres à l’état naturel

Sources

La protection et la conservation des habitats liés aux sources sont primordiales. Les sources, qui représentent souvent seulement une petite surface, ont souvent été captées, enterrées, canalisées, ou altérées d’une façon ou d’une autre – ce qui arrive parfois encore. En forêt, on peut protéger et favoriser les sources en évitant de les traverser avec des véhicules, en ne les recouvrant pas de tas de branches, en ne traînant pas le bois à travers elle ni à travers les ruisseaux qui s’en écoulent, et en veillant à une composition des essences qui soit adaptée à la station. Dans les marais, il faut exploiter avec précaution la zone des sources et éviter de les traverser avec des machines. On dispose de peu de connaissances en Suisse sur la restauration des sources. Une liste des mesures possibles figure aux pages 18 et suivantes de la brochure « Protéger et favoriser les libellules ». Le dossier spécial d’aqua viva « Quellen im Fokus, Dossiers Sources » (en allemand) présente des cas concrets de protection et revitalisation de sources. Les liens ci-dessous offrent des informations sur les sources :

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Ecoulements de source forestier et d’un bas-marais du Plateau, habitats des deux espèces de Cordulégastres (Cordulegaster spp.).
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Mare fontinale et discret écoulement de source dans les Alpes, habitats de la Chlorocordulie alpestre (Somatochlora alpestris).


Poissons

Les petits plans d’eau doivent être exempts de poissons ! Eliminer les poissons des plans d’eaux dans lesquels ils ne sont pas naturellement présents. Il est toutefois difficile voire impossible d’éliminer durablement des poissons une fois qu’ils ont été introduits. Si des poissons doivent vraiment être introduits dans un milieu aquatique, il ne faut le faire qu’avec des espèces présentes à l’état naturel dans ce milieu. L’alevinage de jeunes truites dans les petites rivières et les ruisseaux, souvent pratiqué, doit être banni ; ces poissons aussi consomment les larves de libellules et de Salamandre tachetée.

Espèces cibles et caractéristiques

Aux pages 81-83 de la brochure « Protéger et favoriser les libellules » figure un tableau avec les espèces cibles et caractéristiques régionales ; il constitue une base précieuse pour les projets de conservation.

Protection des espèces

Comme expliqué dans le chapitre « Promotion », la priorité en matière de promotion des Odonates est la valorisation des habitats. 29 espèces de libellules figurent dans la liste des espèces prioritaires au niveau national. Ces espèces requièrent impérativement des actions. En collaboration avec le groupe de travail pour la conservation des Libellules de Suisse (GTCLS), le CSCF a publié des fiches pour les espèces/sous-espèces listées ci-dessous. Ces fiches contiennent une courte description des espèces, des informations sur leur écologie, leur répartition, les menaces, les mesures de conservation et de promotion.

Fiches de protection

Aeschne azurée (Aeshna caerulea)
Aeschne subarctique (Aeshna subarctica elisabethae)
Spectre paisible (Aeschne paisible) (Boyeria irene)
Caloptéryx méridional (Calopteryx virgo meridionalis)
Cériagrion délicat (Agrion délicat) (Ceriagrion tenellum)
Agrion hasté (Coenagrion hastulatum)
Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale)
Épithèque à deux taches (C. à deux taches) (Epitheca bimaculata)
Gomphe gentil (Gomphus pulchellus)
Gomphe semblable (Gomphus similaire) (Gomphus simillimus)
Leste dryade (Leste des bois) (Lestes dryas)
Leste verdoyant (Lestes virens vestalis)
Leucorrhine à front blanc (Leucorrhinia albifrons)
Leucorrhine à large queue (Leucorrhinia caudalis)
Leucorrhine douteuse (Leucorrhinia dubia)
Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis)
Néhalennie précieuse (Déesse précieuse) (Nehalennia speciosa)
Gomphus à pinces (Onychogomphus forcipatus unguiculatus)
Ophiogomphe serpentin (Gomphus serpentin) (Ophiogomphus cecilia)
Orthétrum à stylets blancs (Orthetrum albistylum)
Oxycordulie à corps fin (C. à corps fin) (Oxygastra curtisii)
Chlorocordulie arctique (Cordulie arctique) (Somatochlora arctica)
Brunette sibérienne (Leste enfant) (Sympecma paedisca)
Sympétrum déprimé (Sympétrum à corps déprimé) (Sympetrum depressiusculum)
Sympétrum jaune (Sympétrum jaune d'or) (Sympetrum flaveolum )
Sympétrum du Piémont (Sympetrum pedemontanum)


Dans le canton de Zurich, il existe des plans d’action (en allemand) pour l’Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale) et la Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis). Le canton de Lucerne a publié des portraits d'espèces (en allemand) pour toutes les espèces présentes. Nous recommandons les portraits d’espèces compacts de l’ouvrage « Die Libellen Europas » (en allemand). Chaque portrait renvoie à la littérature de base. Le livre « Die Libellen Baden-Württembergs Band » présente des informations détaillées pour chaque espèce (en allemand). Les portraits d’espèces (en allemand) sur libellenschutz.ch (en allemand) sont également de bonnes sources d’information.

Depuis 2014, les observations de tous les groupes d’espèces alimentent la base de données « Virtual Data Center VDC » afin qu’on puisse en tenir compte dans les projets qui touchent à la protection de la nature. Cette base de données doit en particulier répondre aux besoins des services cantonaux de la nature. Ces données ne sont pas publiques.

Autres références pour les projets de protection des espèces :
▪ En Allemagne, l’annexe IV de la directive habitats contient 8 espèces (en allemand) du groupe des Odonates.
Fiches signalétiques (en allemand) par espèce du service de la protection de la nature du Bade-Wurtemberg LUBW.
Synthèses bibliographiques sur les traits de vie d'espèces – Odonates (France), synthèses bibliographiques sur les traits de vie d'espèces – Odonates.

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La Néhalénnie précieuse (Nehalennia speciosa) et le Sympétrum du Piémont (Sympetrum pedemontanum) sont deux espèces prioritaires au niveau national.

Menaces

Listes Rouges

Selon la Liste Rouge des libellules actuelle (OFEV 2002), 36% des 72 espèces évaluées sont menacées. Depuis la parution du premier atlas des libellules de Suisse en 1987, la situation des espèces les plus menacées s’est encore détériorée. Pour les informations sur la Liste rouge actuelle, voir chapitre Actualité.

Selon la Liste Rouge européenne, 15% des libellules sont menacées en Europe et 11% sont potentiellement menacées. Un quart des espèces montrent des effectifs en diminution et environ 10% sont en augmentation. Les données sont insuffisantes pour évaluer la situation des 12% d’espèces restantes.

Menaces générales

▪ Rabattement de la nappe souterraine, drainage, pompage
▪ Apport de nutriments, eutrophisation
▪ Changement dans l’exploitation : intensification, abandon
▪ Mesures de construction dans et au bord de l’eau
▪ Aménagement hydraulique et modification du cours de la rivière, bétonnage des berges
▪ Curage du fond du lit
▪ Entretien inadapté ou, en cas d’atterrissement, absence d’entretien des milieux aquatiques et de la zone riveraine
▪ Crues extrêmes
▪ Boisement dense des rives
▪ Remblayage, dépôt de matériaux
▪ Pâturage intensif des zones de sources et des berges, en particulier en région alpine
▪ Utilisation pour les loisirs
▪ Remous provoqué par les bateaux à moteur : Une majorité des Gomphidés éclot près de la surface. Des vagues soudaines, causées par exemple par les bateaux à moteur submergent les animaux en train d’émerger; « Die Libellen im Kanton Aargau », p. 64 sqq., 72 (en allemand)
▪ Brusques fluctuations de niveau dues à l’exploitation par éclusées des centrales hydrauliques
▪ Perte de la dynamique fluviale

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A gauche : entretien de fossé inadapté. Après un curage mécanique du fond, le talus aussi été décapé. Ce cours d’eau n’est en fait qu’une rigole de drainage. A droite : l’abattage total d’un cordon boisé longeant un fossé appauvrit l’habitat.

Empoissonnement et écrevisses invasives

▪ L’empoissonnement des (petits) plans d’eau signe l’arrêt de mort de la microfaune qui les peuple.
▪ L’empoissonnement des cours d’eau et des grands plans d’eau avec des espèces qui ne sont pas présentes naturellement a des conséquences négatives pour les biocénoses d’origine.
▪ La brochure « Die Libellen im Kanton Aargau » (en allemand) accorde une grande importance au thème de l’empoissonnement. Les poissons fouisseurs sont jugés particulièrement problématiques (voir p. 39 sqq., p. 45).
▪ On a jusqu’à présent accordé peu d’attention aux écrevisses exotiques invasives, comme l’Ecrevisse calicot (Orconectes immunis – pas encore détectée en Suisse) et l’Ecrevisse américaine (Orconectes limosus), qui troublent le fonds des petits plans d’eau, ont un taux de reproduction élevé et déciment totalement les larves de libellules ainsi que d’autres invertébrés des étangs et des mares (interner Link). Les écrevisses exotiques peuvent en plus transmettre le champignon pathogène provoquant la peste de l’écrevisse.

Suivi des mesures

La brochure « Protéger et favoriser les libellules » consacre un chapitre entier au suivi des mesures. Nous recommandons la lecture de ces cinq pages denses et synthétiques à quiconque planifie, réalise ou analyse un suivi.

Les points suivants sont à prendre en considération :
▪ Les données disponibles et le relevé de la situation initiale avant la réalisation des mesures sont des bases importantes pour le suivi.
▪ Les espèces spécialistes et les espèces cibles définies dans la planification sont des indicateurs adéquats.
▪ Définir la méthode de relevé : la méthode habituelle consiste à recenser les exuvies. Elle implique d’effectuer quatre à cinq passages entre avril/mai et septembre/octobre pendant trois ans. Si l’on doit se restreindre à trois passages, environ deux tiers de l’éventail des espèces peut être détecté.
▪ Les passages doivent avoir lieu entre 10h et 16h30 (HAEC – heure d’été), par temps ensoleillé et le moins venteux possible.
▪ Les indices de reproduction (accouplements, vols en tandem, pontes, adultes fraîchement éclos) doivent être relevés. Les exuvies et les libellules fraîchement écloses sont les meilleures preuves du succès de reproduction dans les milieux étudiés.

Il vaut la peine de confier le suivi à un-e spécialiste.

Le recensement d’exuvies de Gomphidés (Gomphidae) sur des tronçons renaturés et des bras latéraux recréés de l’Aar et de la Reuss dans le canton d’Argovie (en allemand) est un exemple intéressant de suivi des mesures.

Ce qu’on ignore encore

La biologie et l’écologie de la plupart des espèces d’Europe centrale sont très bien connues, de même que leur répartition. Les plans d’eau de petite et très petite taille par contre souffrent d’un manque d’attention, on sait par conséquent moins par quelles espèces ils sont fréquentés.
Les connaissances manquent sur l’évolution des populations à long terme. Il est important de suivre la dynamique sur de longues périodes. Comment évoluent les populations et la présence de chaque espèce sur deux ou trois décennies ?
On ne sait pas encore non plus éliminer efficacement les poissons indésirables dans les plans d’eau. La pêche à l’aveugle ne suffit pas, car elle ne permet d’éliminer qu’une partie des poissons.
Il faut multiplier les essais d’entretien alternatif – comme le pâturage – et les accompagner d’un suivi.


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Littérature recommandée

Ouvrages de référence et ouvrages généraux

  • Wildermuth, H. & A. Martens (2018): Die Libellen Europas – Alle Arten von den Azoren bis zum Ural im Porträt. Quelle & Meyer, Wiebelsheim : Les 140 espèces d’Europe sont représentées. Les portraits d’espèces résument, pour chacune d’entre elles, l’ensemble des connaissances disponibles : nom et étymologie, signes distinctifs, répartition (avec cartes), habitats, développement, mœurs et comportement des larves et des adultes, période de vol et d’éclosion, menaces, mesures de protection et de promotion. Conseils pratiques pour l’observation de chaque espèce. Bibliographie exhaustive. Le chapitre introductif présente l’essentiel sur la biologie des libellules – cycle, écologie, évolution, systématique, détermination et photographie.
  • Sternberg, K. & R. Buchwald (Hrsg.) (1999, 2000): Die Libellen Baden-Württembergs. Band 1 und 2, Ulmer, Stuttgart : Ce livre est la référence pour l’Europe centrale ! La partie générale livre une introduction détaillée à la biologie, à l’écologie, aux mœurs, à la reproduction, à la répartition, aux habitats et aux mesures de protection des biotopes des libellules. Les fiches signalétiques par espèces sont très complètes. La bibliographie ne prend en compte que les ouvrages parus jusqu’en 1998.
  • Corbet P. S. (2004): Dragonflies – behaviour and ecology of odonata, Revised edition. ed. Brill, Leiden : Cet ouvrage de référence exigeant et très souvent cité, de l’odonatologue le plus réputé au monde, réunit les connaissances sur l’écologie et le comportement des libellules jusqu’au tournant du siècle. Les aspects de protection de la nature ne sont cependant traités que de manière générale et peu axés sur la pratique.

Littérature concernant la pratique

Ouvrages de détermination

  • Wendler, A. & H. Nüss (1998): Libellules : guide d'identification des libellules de France, d'Europe septentrionale et centrale. Société française d'odonatologie. Éditeur scientifique, 2e éd. : L’ouvrage original en allemand (7ème édition), est beaucoup plus complet et richement illustré que la version française actuellement disponible. Un projet de traduction est en cours. Les commentaires ci-dessous concernent la 7ème édition allemande.
    • Le meilleur livre de détermination, en plus d’être le moins cher ; nombreux dessins de détail et images des ailes en noir et blanc
    • Clé de détermination dichotomique pour les adultes ; description de chaque espèce
    • Cartes de répartition
    • Adapté aux débutants comme aux connaisseurs
  • Brochard, C., D. Groenendijk, E. van der Ploeg & T. Termaat (2012): Fotogids Larvenhuidjes van Libellen. KNNV Uitgeverij, Zeist.
    • Excellent livre pour la détermination des exuvies.
    • La clé de détermination est basée sur des photos qui montrent tous les détails nécessaires.
  • Grand, D., J.-P. Boudot & G. Doucet (2014): Cahier d’identification des Libellules de France, Belgique, Luxembourg, et Suisse. Biotope, Mèze (collection Cahier d’identification).
    • Livre de détermination pour les larves (exuvies) et les adultes, avec photos et dessins de bonne qualité, clé de détermination
  • Dijkstra, K.-D.B & R. Lewington (Hrsg.) (2007): Guide des libellules de France et d’Europe. Delachaux et Niestlé, Paris.
    • Guide de détermination complet pour toutes les espèces de libellules d’Europe avec descriptions d’espèces (adultes uniquement) et cartes de répartition
    • Pas de clé de détermination dichotomique
    • Excellents dessins en couleur
    • Une nouvelle édition (anglaise) est en préparation
  • Bellmann, H. (2013): Der Kosmos Libellenführer. Franck-Kosmos, Stuttgart
    • Guide de terrain compact avec courtes descriptions d’espèces et bonnes photos
    • Contient les espèces d’Europe centrale et méridionale
    • Clé de détermination pour les larves et les adultes
    • Adapté aux débutants et aux personnes intéressées par les insectes en général
  • Heidemann H. & R. Seidenbusch (2002): Larves et exuvies des libellules de France et d’Allemagne (sauf la Corse). Société française d’Odonatologie (Bois-d’Arcy).
    • Manuel détaillé avec beaucoup de texte et de nombreux dessins de détail, toutefois un peu difficile à utiliser car texte et dessins ne sont souvent pas ensemble.

Ouvrages faunistiques nationaux et suprarégionaux

  • Boudot, J.-P. & V.J. Kalkman (eds) (2015): Atlas of the European dragonflies and damselflies. KNNV publishing, the Netherlands.
  • Boudot, J.-P., D. Grand, H. Wildermuth & C. Monnerat (2017): Les libellules de France, Belgique, Luxembourg et Suisse. Biotope, Mèze (Collection Parthénope), 2e éd.
  • Brockhaus, T., H.-J. Roland, T. Benken, K.-J. Conze, A. Günther, K.G. Leipelt, M. Lohr, A. Martens, R. Mauersberger, J. Ott, F. Suhling, F. Weihrauch & C. Willigalla (2015): Atlas der Libellen Deutschlands (Odonata). Libellula Supplement 14: 1-394.
  • Raab, R., A. Chovanec & J. Pennerstorfer (2006): Libellen Österreichs. Springer, Wien.
  • Riservato, E., A. Festi, R. Fabbri, C. Grieco, S. Hardersen, G. La Porta, E. Landi, M.E. Siesa & C. Utzeri (2014): Odonata. Atlante delle libellule italiane – preliminare. Società Italiana per lo Studio e la Conservazione delle Libellule. Edizione Belvedere, Latina.
  • Wildermuth, H., Y. Gonseth & A. Maibach (2005): Fauna Helvetica : Odonata – Les libellules de Suisse. FH11, CSCF/SES, Neuchâtel.

Autres références et sites internet

  • Monnerat C., Wildermuth H., Gonseth Y. 2021 : Liste rouge des Libellules. Espèces menacées en Suisse. L’environnement pratique no 2120 : 72 p.
  • Une liste bibliographique très complète se trouve dans « Die Libellen Europas ».
  • Le site libellenschutz.ch présente une liste bibliographique qui se base sur « Die Libellen Europas » et sur « Odonata – Les libellules de Suisse ».

Divers

Transmettre ses observations

Il est très utile de transmettre ses observations d’Odonates pour leur protection et leur promotion. L’application Webfauna a a été conçue à cet effet.

Dans la loi

Selon l’ordonnance sur la protection de la nature et du paysage (OPN), 22 espèces sont protégées sur le territoire suisse.

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Auteurs

Texte Hansruedi Wildermuth hansruedi@wildermuth.ch
Association biodivers info@biodivers.ch
Review Daniel Küry Life Science AG
Daniela Keller FORNAT
Christian Monnerat info fauna, CSCF
Traduction Sandrine Seidel Filoplume Traduction